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Accueil 9Actualités 9L’incroyable mémoire des « superagers » : quand certains cerveaux de 80 ans défient le temps

À 80 ans passés, certaines personnes parviennent à conserver une mémoire digne de quinquagénaires. Plus étonnants encore, ces octogénaires à l’esprit vif ne sont pas toujours des exemples de mode de vie sain : « Certains fument, d’autres boivent et ils n’ont pas toujours une alimentation saine », titrait récemment Le Figaro. Comment expliquer qu’à un âge où la plupart d’entre nous cherchent leurs mots, ces « superagers » (ou super-âgés) épatent médecins et scientifiques par leurs facultés cognitives ? Ce phénomène fascine la science depuis 25 ans. Tour d’horizon, de la définition scientifique de ces cas hors normes aux dernières découvertes internationales, sans oublier les paradoxes de leur quotidien et les questions que soulève cette fontaine de jouvence cognitive.

Qu’est-ce qu’un « superager » ?

Les gériatres et neuroscientifiques désignent par superagers (littéralement « super-vieillissants ») les individus de plus de 80 ans qui présentent des capacités de mémoire épisodique comparables à celles de personnes ayant 20 à 30 ans de moins. En pratique, cela signifie qu’un octogénaire superager obtient à des tests de mémoire des scores équivalents à ceux d’un individu d’une cinquantaine d’années en bonne santé. st considéré comme superager tout participant de plus de 80 ans capable de restituer au moins 9 mots sur 15 après un délai d’environ 30 minutes lors d’un test standard de mémoire (RAVLT). C’est un score typique chez les 50-60 ans, mais largement supérieur à la moyenne des octogénaires (environ 5/15). Bien que des critères précis varient d’une étude à l’autre, tous s’accordent sur l’essentiel : ces super-aines conservent des performances cognitives exceptionnelles pour leur âge.

Ce profil est rare dans la population. Une étude espagnole menée sur plus de 1 200 seniors n’a identifié qu’environ 5 % de superagers selon les critères retenus. De même, les chercheurs de Northwestern University (Illinois, États-Unis) notent que peu de candidats passent avec succès la barre très exigeante des tests de mémoire. « Beaucoup de ceux qui se soumettent à l’examen échouent à faire partie du lot », indique la neuropsychologue Emily Rogalski. Autrement dit, devenir un superager relève en soi de l’exceptionnel.

Le terme SuperAging a été forgé à la fin des années 1990 par le Pr Marsel Mesulam, neurologue à la Northwestern University, qui fut parmi les premiers à soupçonner l’existence de ces phénix du grand âge. Tout a commencé en 1996, lorsqu’une femme de 81 ans, dotée d’une mémoire autobiographique prodigieuse, est décédée en ne présentant au cerveau quasiment aucune lésion de la maladie d’Alzheimer — un cas déconcertant pour l’époque. Cette découverte a lancé un programme de recherche au long cours : depuis 2000, près de 290 participants superagers ont été recrutés par l’équipe de Mesulam à Chicago. Plus de 70 ont même fait don de leur cerveau post-mortem pour analyses. Un quart de siècle après les premières investigations, les scientifiques commencent à peine à percer les secrets biologiques de ces vieillissements d’exception.

Vingt-cinq ans de recherches internationales

Pendant longtemps, l’idée que le déclin cognitif soit inéluctable avec l’âge a dominé la médecine. Or, l’existence des superagers démontre que la mémoire peut résister bien plus que prévu aux ravages du temps. Des équipes du monde entier se sont attelées à comprendre ce qui protège le cerveau de ces aînés « hors norme ».

Les premières études marquantes, au milieu des années 2010, ont mis en évidence des différences cérébrales frappantes. En 2016, une étude de l’Hôpital Massachusetts General (Harvard) a montré via IRM que le cerveau de superagers sexagénaires et septuagénaires présentait des caractéristiques « juvéniles ». Certaines zones clés impliquées dans la mémoire (hippocampe, cortex préfrontal médian) et l’attention (insula antérieure, cortex orbitofrontal) restaient aussi épaisses que chez de jeunes adultes. « Dans certains cas, on ne voyait aucune différence de volume entre les superagers et des sujets de 20 ans ! » souligne la neuroscientifique Alexandra Touroutoglou (Harvard). Mieux, la taille de ces régions résistantes au vieillissement corrélait avec les performances de mémoire : plus le cortex était préservé, meilleur était le rappel d’informations. Ces premiers résultats, qualifiés de « message porteur d’espoir » par les chercheurs, ont ouvert la voie à de plus vastes projets visant à décrypter le « super-cerveau ».

C’est la Northwestern University de Chicago qui a mené l’offensive la plus ambitieuse, en suivant sur 25 ans sa cohorte de superagers. Leurs conclusions, publiées à l’été 2025, dressent le portrait d’un cerveau résistant et résilient à la fois. D’abord, l’IRM confirme que le cortex cérébral de ces octogénaires ne s’amincit quasiment pas avec l’âge, contrairement à celui de leurs pairs. Chez un superager, on n’observe pas la perte progressive d’épaisseur corticale considérée comme « normale » en vieillissant. Une région en particulier intrigue les scientifiques : le cortex cingulaire antérieur (impliqué dans l’intégration des émotions, de l’attention et de la motivation). Il s’est révélé plus épais non seulement que chez d’autres seniors, mais même que chez des personnes de 50-60 ans. « C’était totalement inattendu ! », commente la neuropsychologue Tamar Gefen, co-autrice de l’étude. Cette zone du cerveau joue un rôle clé dans les comportements sociaux et l’effort cognitif, et son épaisseur suggère un véritable rempart contre le déclin.

Ensuite, au niveau cellulaire, le cerveau des superagers présente de véritables trésors : il contient jusqu’à trois à cinq fois plus de neurones dits von Economo (ou VEN) qu’un cerveau d’octogénaire ordinaire. Ces neurones atypiques en forme de fuseau, découverts chez certaines espèces très sociales (grands singes, éléphants, cétacés), sont liés à l’intelligence sociale et à la rapidité de transmission des informations émotionnelles. « Nous pensons que ces neurones jouent un rôle essentiel dans la transmission rapide d’informations pertinentes relatives aux interactions sociales », explique le Pr Changiz Geula, neurologue à Northwestern. De fait, être bien pourvu en neurones von Economo pourrait offrir une protection contre la dégénérescence. Post mortem, les cerveaux des superagers étudiés présentaient bien moins de neurones en voie de détérioration que ceux de seniors ordinaires du même âge. Le phénomène ne se limite pas au cortex cingulaire. Une étude canadienne a observé des neurones plus grands et en meilleur état dans une autre zone cruciale de la mémoire, le cortex entorhinal, chez des super-âgés comparés à des sujets normaux ou même à des quinquagénaires. En clair, l’architecture cérébrale de ces individus est non seulement préservée, mais optimisée par des caractéristiques neuronales hors du commun.

Par ailleurs, le cerveau des superagers semble mieux se défendre contre les lésions typiques du vieillissement pathologique. Les autopsies réalisées à Northwestern révèlent que ces cerveaux comportent beaucoup moins de dépôts de protéines toxiques associées à la maladie d’Alzheimer (plaques amyloïdes et enchevêtrements neurofibrillaires tau) dans les zones de la mémoire, comme l’hippocampe et le cortex entorhinal. « Nous avons réalisé qu’il existe deux voies pour devenir Superager : la résistance — ils ne forment pas ces plaques et dégénérescences —, ou la résilience — le cerveau en développe, mais elles n’affectent pas ses fonctions », résume la Pr Sandra Weintraub, neuropsychologue à Northwestern.Certains superagers autopsiés avaient bel et bien des lésions amyloïdes dans le cerveau sans jamais avoir montré de signes de démence. Une hypothèse est que leur cerveau parvient à compenser ces atteintes, grâce à des neurones plus robustes ou à des circuits alternatifs.

Ces constats se recoupent avec ceux d’autres équipes internationales. En Europe, une étude longitudinale menée à Madrid a suivi pendant 8 ans plus d’un millier de personnes de 70 à 85 ans : 64 ont été identifiées comme super-aines. Leurs IRM cérébrales ont montré un volume de substance grise plus important que la moyenne dans le lobe temporal médian (siège de la mémoire) ainsi que dans la région basale du cerveau riche en neurones cholinergiques (impliqués dans l’éveil et la mémoire). Ces superagers espagnols présentaient en outre une atrophie cérébrale plus lente au fil du temps, en particulier dans l’hippocampe. Ils affichaient aussi une meilleure santé mentale et une vitesse de déplacement plus élevée que leurs pairs du même âge — alors même que le taux de pratique d’exercice physique ne différait pas significativement entre les deux groupes étudiés. De son côté, en Argentine une équipe à Buenos Aires a comparé 20 super-aines à 20 seniors « typiques » et n’a pas trouvé de différence marquée de niveau d’éducation, d’activité physique ou de vie sociale entre eux. En revanche, un indice familial a émergé : 80 % des superagers avaient une mère ayant vécu au-delà de 90 ans, contre moins de la moitié des sujets témoins. Ce lien statistique avec la longévité maternelle suggère un rôle possible de facteurs génétiques ou environnementaux précoces. Les chercheurs argentins avancent d’ailleurs que si une hygiène de vie globalement saine semble nécessaire pour atteindre 80 ans sans troubles cognitifs, le super-vieillissement dépend sans doute de variables additionnelles encore inconnues — possiblement d’ordre génétique ou métabolique.

En somme, les superagers se distinguent par un « phénotype » neurobiologique bien défini : un cerveau qui vieillit beaucoup plus lentement et différemment. Cortex préservé, réseaux neuronaux intacts, réserves de neurones spécialisés et absence ou innocuité des marqueurs de la maladie d’Alzheimer — autant de caractéristiques que la science s’efforce désormais de relier à des causes précises. Des gènes candidats ont été identifiés (KLOTHO, APOE2, BDNF, etc.), mais leur rôle reste à confirme. « Notre étude montre qu’une mémoire exceptionnelle à un âge avancé est non seulement possible, mais qu’elle est liée à un profil neurobiologique distinct », insiste la Pr Weintraub. Pour les chercheurs, décrypter ce profil unique pourrait ouvrir la voie à des interventions ciblées pour préserver la santé du cerveau jusqu’à un âge avancé.

Des modes de vie loin des stéréotypes

On pourrait s’imaginer que ces « miraculés » cognitifs doivent leur réussite à une discipline de vie exemplaire. Or, l’un des grands enseignements des recherches sur les superagers est justement le contraste entre leurs performances mentales et leur hygiène de vie parfois ordinaire, voire médiocre. « Il n’existe ni régime alimentaire spécifique ni programme sportif type pour devenir superager », note le Dr Rogalski, qui a longtemps coordonné l’étude de Northwestern. En réalité, les profils sont très variés : « Certains de nos superagers sont végétariens et font de l’exercice tous les jours… d’autres mangent ce qu’ils veulent et n’ont jamais fait de sport. Un bon nombre consomment de l’alcool régulièrement, par exemple un verre de vin chaque soir ». Bref, on est loin du portrait du centenaire ascète et hyperactif. L’important est ailleurs : « Il n’y a pas de formule magique unique, pas un seul chemin vers le succès cognitif », résume Emily Rogalski.

Cette diversité se retrouve dans des anecdotes saisissantes. Tel superager fumait depuis ses 20 ans, tel autre avoue une passion immodérée pour le chocolat ou les plats préparés. « Certains sont de vrais sportifs, d’autres ne s’y sont mis que sur le tard. Côté alimentation, on a des maniaques du bio comme des adeptes des dîners télé surgelés », rapporte ainsi Rogalski, soulignant à quel point les trajectoires peuvent diverger. Carol Siegler, 85 ans, membre de la cohorte de Chicago, illustre bien ce paradoxe : elle n’a suivi aucun régime particulier ni routine stricte durant sa vie. Ce n’est qu’après 80 an qu’elle s’est mise au yoga sur chaise deux fois par semaine ; mais elle écoute d’abord ses envies du jour : « Je fais ce que je veux quand je le veux. Je n’ai pas de programme : je me lève, je prends un petit-déjeuner moyen, je ne me prive pas, je ne prends pas de médicaments inutiles… » confiait-elle au magazine Insider. Contre toute attente, cette absence de routine pourrait même être un atout : « Le cerveau aime le changement », explique Rogalski ; ne pas sombrer dans des habitudes figées oblige l’esprit à s’adapter en permanence, ce qui pourrait stimuler la plasticité neuronale.

Si aucun style de vie ne garantit à lui seul un vieillissement cognitif optimal, les scientifiques ont tout de même relevé des points communs intrigants chez les superagers. Le plus constant est sans doute leur sociabilité hors norme. « Il n’y a pas un mode de vie commun, mais un trait de personnalité émerge : ce sont des personnes très grégaires », souligne un article récent de National Geographic. En effet, les superagers tendent à cultiver un solide réseau social, à maintenir des liens étroits avec leurs proches et à s’engager volontiers dans des activités collectives. Dans l’étude de Northwestern, ils obtiennent des scores plus élevés en extraversion que les seniors classiques et rapportent davantage de relations sociales satisfaisantes. Certains font du bénévolat, participent à des clubs, voire continuent à vivre des aventures amoureuses à un âge avancé ! « Ce sont des gens qui vivent selon leurs propres termes », résume Tamar Gefen : leur indépendance d’esprit va de pair avec un besoin de connexion aux autres. Or on sait que le soutien social et le fait de rester intégré dans la communauté sont liés à un moindre risque de déclin cognitif.

Autre trait partagé par de nombreux superagers : une curiosité intellectuelle et une appétence pour les défis mentaux. Beaucoup aiment apprendre de nouvelles choses, résoudre des problèmes, se confronter à l’inconnu. « Ils ont tendance à toujours vouloir sortir de leur zone de confort mental », observe Emily Rogalski. Plusieurs continuent à travailler bénévolement ou à se passionner pour des hobbies exigeants bien après la retraite. Là où d’autres lèveraient le pied, eux s’inscrivent à des cours d’informatique, se mettent à une langue étrangère ou s’adonnent aux puzzles complexes. Cette soif d’apprendre pourrait nourrir leur réserve cognitive — ce capital mental bâti au fil de la vie, souvent cité comme protection contre la démence. Une expérience menée au Texas a ainsi montré que des seniors entraînés intensivement pendant 3 mois à des tâches inédites comme la photo numérique voyaient leur mémoire progresser, contrairement à un groupe témoin resté dans des activités routinières. Les superagers appliquent sans doute intuitivement cette recette en se lançant sans cesse de nouveaux défis intellectuels.

Enfin, un aspect plus subtil se dégage : la résilience psychologique face aux épreuves de la vie. De nombreux superagers ont traversé des traumatismes ou des périodes difficiles (deuils précoces, migrations, guerres) et en ont tiré une capacité à rebondir remarquable. Plutôt que de s’effondrer, ils semblent avoir développé une aptitude à gérer le stress sur le long terme. « Ce n’est pas tant de vivre sans embûches qui compte, c’est la manière de faire face aux défis qui fait la différence », note un article de Bottom Line. Là encore, on peut y voir un parallèle avec leur ténacité cognitive : persévérer malgré les obstacles, que ce soit pour apprendre un nouveau talent ou surmonter un drame, semble partie intégrante de l’ADN de ces personnalités d’exception. « Le cortex cingulaire antérieur, qui n’est traditionnellement pas associé à la mémoire, mais à la motivation, est plus épais chez eux ; cela pourrait refléter qu’ils sont plus disposés à fournir des efforts face aux défis », propose d’ailleurs Alexandra Touroutoglou. En clair, être superager, ce n’est pas seulement avoir de bons gènes ou un cerveau choyé par la nature : c’est aussi un état d’esprit.

Un nouveau regard sur le vieillissement cognitif

La découverte des superagers a des implications majeures pour la recherche médicale et la santé publique. D’abord, elle véhicule un message profondément optimiste : le déclin de la mémoire avec l’âge n’est pas une fatalité absolue. Savoir que certains octogénaires conservent la vivacité d’esprit de leurs cadets change notre compréhension du vieillissement cérébral. « Nous avons désespérément besoin de comprendre comment il se fait que certains aînés fonctionnent si bien à 80, 90 ans… Cela pourrait nous fournir d’importants indices pour prévenir le déclin de la mémoire et de la pensée chez le plus grand nombre », plaide le neurologue Bradford Dickerson (Harvard). En effet, si l’on parvient à identifier les facteurs protecteurs à l’œuvre chez les superagers, ne pourrait-on pas imaginer des stratégies pour en faire profiter le plus grand nombre de seniors ?

C’est tout l’enjeu de la médecine préventive de demain. Déjà, des pistes concrètes se dessinent. Par exemple, la relative préservation du système cholinergique observée chez les superagers — ces neurones qui produisent de l’acétylcholine, un neurotransmetteur clé de la mémoire — est riche d’enseignements. On sait que la maladie d’Alzheimer s’accompagne d’une dégénérescence accélérée de ces neurones et que certains médicaments (comme le donépézil) cherchent à compenser le manque d’acétylcholine en inhibant l’enzyme qui la dégrade. Or, chez les superagers, on a trouvé moins de neurones contenant cette enzyme destructrice (l’acétylcholinestérase) que chez les autres — ce qui pourrait prolonger l’effet bénéfique de l’acétylcholine sur la mémoire. Ce constat encourage la recherche de traitements visant à stimuler les voies cholinergiques ou à réduire l’inflammation cérébrale, autre paramètre nettement plus bas chez ces seniors. Leurs cerveaux montrent moins de microglies — cellules immunitaires cérébrales — activées que la normale. De même, comprendre comment certains cerveaux évitent l’accumulation de protéines toxiques ou y résistent pourrait guider le développement de thérapies préventives contre Alzheimer. Plutôt que de cibler uniquement les malades, pourquoi ne pas s’inspirer de ceux qui restent en bonne santé ? « Une façon créative et nouvelle de prévenir Alzheimer est d’étudier ceux qui ne l’attrapent pas », souligne Tamar Gefen : « c’est pour ça que les superagers sont si fascinants.

Au-delà des médicaments, les superagers nous livrent aussi des leçons de mode de vie pour mieux vieillir. Leur exemple renforce les messages de santé publique sur l’importance du lien social, de l’engagement mental et de la résilience psychique. Stimuler les interactions sociales des personnes âgées (via des ateliers, du mentorat intergénérationnel, des activités de groupe) pourrait contribuer à améliorer leur réserve cognitive. De même, encourager l’apprentissage tout au long de la vie — universités du temps libre, entraînement cérébral ludique, etc. — peut être bénéfique. Les données sur la vitesse de marche plus élevée des superagers espagnols suggèrent aussi qu’entretenir sa forme physique, même sans faire de sport intensif, va de pair avec un cerveau en forme. Bref, même si ces individus sont atypiques, ils confortent un socle de recommandations utiles à tous : rester actif, entouré et curieux serait une sorte de « potion anti-âge » pour le cerveau.

Ces découvertes invitent également à repenser le soutien aux aînés vulnérables. En identifiant tôt les personnes dont la mémoire flanche anormalement, on pourrait intervenir mieux et plus tôt. À l’inverse, détecter celles qui conservent des capacités élevées permettrait de valoriser ce capital souvent sous-exploité. Combien de nonagénaires lucidissimes sont mis de côté en raison de leur âge, alors qu’ils pourraient apporter expertise et mentorat ? S’intéresser aux superagers, c’est aussi combattre l’âgisme ambiant en démontrant que l’on peut être très âgé et pleinement alerte.

Enjeux éthiques, sociaux et… futuristes

L’engouement pour les superagers soulève enfin des questions dépassant le strict cadre médical. Sur le plan éthique, d’abord : que fera-t-on si l’on identifie un jour un « gène du superaging » ou un cocktail de mesures pour booster le cerveau vieillissant ? Faudra-t-il proposer un dépistage génétique pour anticiper qui deviendra superager ou non ? Risque-t-on de créer une inégalité entre ceux qui pourront se payer des traitements pour doper leur vieillissement cognitif et les autres ? Ces interrogations rappellent celles entourant l’optimisation de l’humain : jusqu’où souhaitons-nous intervenir pour prolonger non seulement la vie, mais la qualité de vie ? Les superagers sont aujourd’hui naturels, fruits du hasard biologique et de parcours de vie. Demain, si la science décèle leurs secrets, l’idée d’un « cerveau bionique » ou d’un vieillissement augmenté pourrait ne plus relever de la science-fiction.

Les enjeux sont aussi sociaux et économiques. Dans un monde où plus de 55 millions de personnes vivent déjà avec une démence, et où ce chiffre pourrait tripler d’ici 2050. Avec le vieillissement général des populations, la perspective de retarder voire d’éviter ces dégradations cognitives est porteuse de bénéfices colossaux. Moins de maladies d’Alzheimer, ce sont des milliards économisés en soins médicaux et en accompagnement, sans parler des souffrances épargnées aux familles et aidants. Sur le plan de la santé publique, promouvoir les facteurs de superaging (éducation, vie sociale, prévention cardio-vasculaire…) pourrait devenir un axe majeur des politiques du grand âge, au même titre que la nutrition ou l’activité physique. En outre, si de plus en plus de personnes restent lucides et actives à des âges avancés, nos modèles de retraite et de travail pourraient évoluer. Devra-t-on repenser l’âge de la retraite ou le rôle des aînés dans l’économie ? Profiter de la sagesse et de l’expérience de superagers dans des conseils consultatifs, du mentorat professionnel ou du bénévolat spécialisé pourrait devenir monnaie courante. Il transformerait notre regard sur la vieillesse, non plus synonyme de déclin, mais de seconde maturité. Cela implique aussi d’adapter la société (urbanisme, technologies, assurances) à des seniors qui, cognitivement alertes, voudront continuer à contribuer et non qu’on les infantilise.

Même le domaine de l’intelligence artificielle s’intéresse aux superagers. Comprendre comment le cerveau de ces personnes évite l’« oubli » pourrait inspirer des algorithmes capables d’apprendre tout au long de leur fonctionnement sans perdre en route les informations acquises. C’est un problème bien connu des réseaux de neurones artificiels appelé « oubli catastrophique ». On parle ici d’IA biomimétique : le cerveau humain recèle des solutions d’une efficacité redoutable que les ingénieurs tentent de reproduire. Si l’on perçait le secret d’un cerveau quasi infatigable, pourquoi ne pas imaginer des machines dotées d’une mémoire elle aussi résistante à l’usure du temps ? Bien sûr, nous en sommes encore loin, mais le parallèle illustre comment la recherche sur le superaging déborde sur des enjeux technologiques et philosophiques plus larges. Qu’est-ce qu’une mémoire parfaite, et que ferions-nous si nous l’avions à disposition, qu’elle soit biologique ou artificielle ?

Vers un nouvel âge d’or de la cognition ?

Les superagers bousculent nos certitudes sur la vieillesse et ouvrent des perspectives inédites. Leurs cerveaux, qui restent jeunes alors que le corps accuse le poids des ans, sont autant de laboratoires vivants offrant un aperçu de ce que pourrait être un vieillissement réussi. Identifier comment et pourquoi certains cerveaux vieillissent mieux que d’autres n’est pas seulement une curiosité scientifique : c’est une quête qui pourrait révolutionner la prévention du déclin cognitif et la prise en charge du grand âge. « Identifier les facteurs qui confèrent aux superagers leurs capacités de mémoire inhabituelles pourrait nous permettre de développer de nouvelles stratégies pour aider les personnes âgées à maintenir leurs fonctions cognitives et même traiter certains types de démences », expliquait Tamar Gefen dès 2015. Dix ans plus tard, cette vision se précise : chaque découverte sur le superaging apporte son lot d’indices pour retarder l’horloge cognitive de tous.

Bien sûr, de nombreuses questions restent en suspens. Les superagers finissent-ils par décliner s’ils vivent assez vieux, ou conservent-ils jusqu’au bout leur avance ? Peut-on induire un profil de superager chez quelqu’un via un entraînement ou un traitement, ou est-ce un « club » réservé à ceux qui ont la bonne combinaison de prédispositions ? Les recherches à long terme se poursuivent pour suivre l’évolution de ces individus hors pair et déterminer ce qui, dans leur biologie ou leur vécu, fait la différence. Les scientifiques explorent déjà des pistes comme le profil génétique, l’épigénétique (l’expression des gènes modulée par l’environnement), le microbiote intestinal, ou encore la personnalité et la gestion du stress.

Quoi qu’il en soit, le phénomène superager change notre narrative sur le vieillissement. Plutôt que de considérer la sénescence cognitive comme un processus uniforme et inéluctable, on entrevoit une palette de trajectoires dont certaines tendent vers l’excellence. Ces octogénaires à la mémoire florissante nous rappellent que vieillir n’est pas synonyme de déchéance mentale, et qu’il est possible, pour une minorité croissante de personnes, de rester brillants, créatifs et engagés bien après 80 ans. De quoi nourrir l’espoir — et l’ambition — d’ajouter « de la vie aux années » et pas seulement des années à la vie. Les superagers n’ont pas encore livré tous leurs secrets, mais ils incarnent d’ores et déjà un formidable motif d’inspiration pour les générations futures. Ne plus oublier ses souvenirs en avançant en âge : et si, finalement, la vraie révolution du vieillissement était là ?

Les superagers en résumé

Les superagers sont des personnes de plus de 80 ans dont la mémoire reste au niveau de celle d’un adulte de 50–60 ans. Leur cerveau vieillit plus lentement, certaines régions (cortex cingulaire antérieur, hippocampe, cortex entorhinal) conservant une épaisseur et une connectivité comparables à celles de sujets bien plus jeunes.

 La « recette » qui se dégage des recherches

Facteurs Description
Activité sociale intense Ils entretiennent des liens forts, participent à des activités collectives, restent intégrés dans des cercles sociaux (associations, clubs, mentorat…).
Curiosité intellectuelle Ils apprennent en permanence, se confrontent à des tâches nouvelles et difficiles (nouvelle langue, musique, photographie numérique…).
Goût de l’effort Leur cerveau accepte l’effort cognitif : ils ne fuient pas la difficulté ; au contraire, ils la recherchent.
Résilience psychologique Ils traversent les épreuves sans passivité et ont développé une capacité à rebondir (forte tolérance au stress).
Mode de vie varié et non routinier Pas de routine fixe : changement régulier d’activités, alternance d’occupations, absence d’automatismes figés.
Sociabilité + Extraversion Tendance à aller vers les autres, à maintenir des échanges fréquents et enrichissants.
Activité physique modérée, mais régulière Pas forcément de sport intensif, mais une mobilité préservée (vitesse de marche, déplacements fréquents).
Génétique/réserve neuronale Certains ont des profils génétiques protecteurs (notamment une forte présence de neurones von Economo) et une réserve cognitive élevée construite sur toute une vie.

 

 Et ce qu’ils ne font pas nécessairement

Croyance Réalité chez les superagers
Alimentation parfaite Beaucoup mangent « normalement », parfois de manière peu équilibrée.
Absence totale de tabac ou d’alcool Plusieurs consomment régulièrement (vin, cigarettes, etc.).
Sport intensif quotidien Certains ne font pas de sport.
Routines strictes Ils privilégient la variété et les situations nouvelles.

 

Vieillir comme un superager, c’est moins suivre une règle stricte que cultiver une attitude : rester engagé avec les autres, garder une curiosité active, ne jamais cesser d’apprendre et accepter l’effort mental.

Leur exemple montre que la prévention cognitive ne se limite pas à une hygiène de vie « idéale », mais repose aussi sur des traits comportementaux — sociabilité, résilience, goût de l’effort — qui stimulent continuellement le cerveau.

Références : Les informations et données de cet article s’appuient sur des études et publications scientifiques majeures, notamment les travaux du Northwestern University SuperAging Program news-medical.netnews-medical.net, les recherches de Harvard/Mass General Hospital news.harvard.edunews.harvard.edu, l’étude longitudinale espagnole publiée dans The Lancet Healthy Longevity francais.medscape.com, ainsi que de nombreux articles de synthèse et d’analyse parus en 2023-2025.

Parmi les sources consultées : Alzheimer’s & Dementia (Journal de l’Association Alzheimer) news-medical. netnews-medical.net, The Journal of Neuroscience sciencepost.frsciencepost.fr, National Geographic, Harvard Gazette news.harvard.edunews.harvard.edu, Medscape édition française francais.medscape.comfrancais.medscape.com, Le Figaro—Sciences actualite-en-ligne.com, etc. Ces travaux convergent pour confirmer l’existence du phénomène superager et l’importance de poursuivre les recherches sur le vieillissement cognitif réussi, au carrefour des neurosciences, de la psychologie et de la santé publique. Chaque nouvelle découverte sur ces mémoires d’exception nous rapproche un peu plus d’une compréhension fine du vieillissement cérébral — et, qui sait, d’un futur où vieillir en restant alerte serait la norme plutôt que l’exception.ehpad-magazine.comnews.northwestern.edu

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